Présentation de l’auteur

De culture très classique mais curieux de tout, les sons étranges du film « Forbidden planet » (1956, ancêtre oublié de Star Treck !) furent ceux qui m’ouvrirent l’oreille à la création pure. La suite ne me déçut pas : le film « Orange mécanique » avec la 9ème symphonie de Beethoven entièrement enregistrée avec un Moog me montra la qualité dont l’électronique était capable. Juste après, le succès mondial de « Pop Corn » par les « Hott Butters » (vinyle 45 t. réf. MS 3242) ne manqua pas de m’intriguer quant aux procédés utilisés pour les séquences en boucle.

En 1975 « Radioactivity » de Kraftwerk fut un élément déclencheur. Un engagement dans la Marine Nationale me permit rapidement de faire quelques économies, et tandis que mes camarades achetaient frénétiquement leurs premières voitures, je me préparais à faire de même avec mon premier synthétiseur.

La sortie de « Oxygène » de Jean-Michel Jarre, en 1976, me décida pour de bon : je voulais produire ce genre de sons. Korg sortit le MiniKorg 700-S, premier synthétiseur destiné au public. Passant par hasard devant le magasin « Le point d’orgue » à Cherbourg, je le vis trôner comme un OVNI au milieu des orgues électroniques ; je rentrais pour demander une démonstration, mais le vendeur me répondit « Je ne peux pas, je ne sais pas comment ça marche ! ». Sans le savoir le vendeur venait de me sortir le meilleur argument de vente ! Un clavier incompréhensible ? Mais c’était exactement ce que je voulais !…

Mais un monophonique tout seul, ça peut lasser… Il me fallait donc un polyphonique. A Bordeaux j’achetais un Omni-II ARP pour environs 13.000 francs, ce qui n’était pas rien. Le vendeur prit donc des précautions pour me proposer un crédit sur douze mois… je répondis que je paierais en trois fois. Ma solde de militaire fit le reste : je devins instantanément le VIP de la boutique !

Je ne tardais pas à m’acheter un MS-20 avec le séquenceur SQ-10, qui formèrent un trio magique avec l’Omni-II. En effet celui-ci produit, sur une sortie séparée, un son de basse monophonique produit par la note la plus basse jouée à la main gauche. Cette basse, récupérée par le MS-20, permettait de transposer la séquence en temps réel. Avec cette configuration je pouvais jouer en live autant que je voulais, surtout dans le style du Tangerine Dream, et je ne m’en suis pas privé en ajoutant rapidement une chambre d’écho à mon équipement.

En 1980 les démonstrateurs du Salon de la Musique à Paris commencent à me connaître, car je leur pose des questions techniques. L’un deux me signale un recrutement de vendeur-démonstrateur, je me retrouve à Rochefort-sur-mer, à la tête d’un rayons de synthétiseurs de rêve ! 1981 j’écris à Claviers Magazine pour faire une petite critique de l’un de leurs articles. La rédaction me défie en me proposant de faire mieux… chiche ! J’écris un petit banc d’essai d’une mini boîte à rythme de Yamaha, la MR-10. Essai transformé, je deviens testeur pour le magazine. Ensoniq France me confiera aussi la rédaction de plusieurs modes d’emploi, et me prêtera même du matériel pour une session de formation de professeurs de musique organisée par le Rectorat de Bordeaux. Je deviens formateur à mon compte en créant l’Ecole de Synthétiseurs d’Aquitaine. Mais le temps de l’analogique, facile à « vendre », est compté…

1983, sortie du DX7 Yamaha. Panique dans le milieu : c’est délirant, mais personne ne comprend comment ça marche, pas même les vendeurs. Ce défi était pour moi : 2 heures d’étude et de prise de note dans un magasin de musique, 1 mois d’écriture « à l’aveugle », 2 heures de vérification, tout était OK… je sors « Maîtrisez votre DX » qui fait un carton absolument incroyable ( récit détaillé ici ). Mais en 1987 arrive sur le marché un autre synthé, le D-50, basé sur l’échantillonnage en ROM, on peut faire du gros son en 3 secondes… c’est la mort du travail de recherche sonore, la mort des synthés hérissés de potentiomètres. La suite ne m’intéresse pas. Mon histoire personnelle avec les synthés s’arrête-là, après avoir vendu 21.500 exemplaires de « Maîtrisez votre DX ». Je garde un MS-20, un 800-DV, un DX7. Mes dossiers finissent dans des cartons d’archives, et je tourne la page.

En 2004 un ami, Loick Mellin, à qui j’avait revendu un vocodeur Korg il y a longtemps, reprend contact avec moi pour fêter l’anniversaire du Minimoog au milieu de la collection d’Olivier Grall. Il me dit aussi que le DX7 fait son retour en tant que synthé de référence… Je résiste un peu, mais il trouve les mots qu’il faut. Je connaissais un peu Audiofanzine, cette fois je plonge. Je reprends mon bouquin sur le DX, je le rénove, je le rebaptise « Maîtrisez la FM » pour viser plus large (et au passage j’achète deux DX7IIfd). Mon ancien éditeur estime que le projet de livre n’est pas rentable : qu’à cela ne tienne, j’achète une bonne imprimante, je mets à profit mon expérience de maquettiste graphiste, et j’ouvre un premier site internet dédié à la FM.

Je réfléchis à concrétiser un autre écrit sur les synthétiseurs analogiques. Les années passent… en 2017 je trouve (enfin !) le temps de le réaliser. Un mois de travail d’arrache-pied pour réaliser aussi de nombreuses illustrations et mesures et mettre en ligne le présent site. Je fusionne les deux travaux sous le titre « Le synthé analogique soustractif et FM algorithmique ». Et voilà.

Le site me permet de diffuser ce livre, qui est toujours en auto-production. Il me permet aussi de mettre en ligne le contenu de quelques archives, qui ne servent à rien si elles restent dans des cartons. N’hésitez pas à me solliciter, et bien sûr à faire connaître le site. D’avance, merci.

Pour conclure : la FM Yamaha fut un coup de tonnerre désormais gravé dans l’Histoire des synthétiseurs. La firme japonaise a bien failli faire un nouveau coup d’éclat avec le VL-1 en 1994, mais cette fois de nouvelles lacunes didactiques ont empêché le succès de ce synthétiseur, même si sa côte reste forte. Cette approche de synthèse sonore semble enfin trouver la voie du succès avec l’Eagan Matrix (apparu en 2021), et semble réitérer le paradoxe que connut le DX7 à sa sortie : un son fabuleux, mais une interface complètement désincarnée, qui laisse l’utilisateur sur une énorme frustration. Son principal synthétiseur hôte, l’Osmose, doit-il faire l’objet d’une étude didactique ? La question est à l’étude, la réponse dépend de plusieurs facteurs, essentiellement l’éternelle loi de l’offre et de la demande. A suivre, donc.

Alain Cassagnau